• Doute.

    Doute.

    - Milo -

    Salut, moi c'est Milo Caliente, et la vieille femme aux cheveux gris que vous voyez là, de dos, ben c'est ma mère.

    Tomber de haut.

    Ouais je sais ce que vous vous dites, vu son âge elle doit au moins m'avoir eu à cinquante ans ! Ben quasiment en fait, même les médecins ont dû être surpris. Enfin, vous vous demandez sûrement ce qu'elle fiche là, dehors, le regard dans le vague, bah je sais pas trop. Elle est tout le temps comme ça, ailleurs, comme si elle pensait à un autre monde, à une autre époque... Parfois elle se met à pleurer, quand elle aperçoit son reflet, lorsque son mal de dos ne lui permet pas d'atteindre quelque chose, quand elle me voit...

    Tomber de haut.

    Elle erre telle une âme en peine dans la maison...

    Tomber de haut.

    Avec le temps j'ai fini par comprendre ce qui devait autant la faire souffrir, c'était de se voir vieillir, jour après jour, de constater les dégâts du temps et tout ce qu'elle perdait de vue à chaque seconde qui s'écoulait... Mais alors pourquoi ne pense-t-elle pas plutôt à tout ce qu'elle a pu accomplir ? Aux bonnes choses qui lui sont arrivées ? Et pourquoi ne veut-elle pas de moi si elle m'a conçu ?

    Tomber de haut.

    J'y ai beaucoup réfléchi, j'ai tout mon temps moi, personne ne se préoccupe de savoir où je vais, si j'ai bien fait mes devoirs, si je suis au lit avant 21 heures... En fait c'est de sa faute à lui, au truc qui me sert de père. Il s'amuse bien lui, il arrive comme une fleur en milieu d'après midi, il saute sur Nina et la bécote devant tout le monde sans aucune gêne et repart comme il est venu. Une petite séance de crac-crac par-ci par-là, un gosse parfois parce que monsieur préfère "le faire sans le chapeau" et il s'en va vers de nouvelles conquêtes.

    Et à côté de son petit manège, il y a ma mère qui ne peut qu'observer, impuissante, cet homme qui lui avait autrefois susurré qu'il l'aimerait éternellement avant de lâchement l'abandonner pour sa fille, "plus jeune", plus... "Caliente". Il n'a pas pensé une seule seconde à ce qu'aurait pu ressentir ma mère, en côtoyant l'homme avec qui elle avait quand même eu deux enfants sans qu'il ne lui accorde plus un regard à présent !

    Tomber de haut.

    Ouais, en fait, je suis pas tout seul dans mon cas, j'ai un frère faux-jumeau, Isaac, mais lui il est... spécial, pas vraiment tout seul dans sa tête quoi. Du coup il le voit pas vraiment tout ce qu'il se passe dans cette maison, il peut pas comprendre, et comme parfois il est même un peu dangereux avec ses sautes d'humeur, je le laisse tranquille.

    Tomber de haut.

    Bon, je ne suis pas non plus sans camarade de jeu, j'ai ma demi soeur et mon demi frère, Diana et Tao, qui sont aussi ma nièce et mon neveu, ça vous donne mal à la tête ? Je ne vous ai pas encore parlé de l'autre moitié de la famille.

    Tomber de haut.

    Parmi nos voisins il y a Dina Lewis, Caliente de son nom de jeune fille. C'est ma (demi) sœur, ouais elle a l'âge d'être ma mère, comme Nina quoi. Elle était encore chez nous quand Don Lothario a emménagé pour draguer ma mère, bon j'étais pas encore né, et la matriarche Caliente, telle qu'on l'appelait avant, n'était pas encore senior. Bref, je pense qu'elle aussi a dû faire l'objet des convoitises de mon père, ça ne m'étonnerait pas puisqu'il ne sait pas se tenir dès qu'il voit une poitrine et une paire de fesses. Sauf qu'elle a eu de la chance, elle, elle n'a pas succombé à ses pseudo charmes et elle s'est trouvée un mari qui lui soit fidèle, pour un peu j'aurais cru que ça n'existait pas si je ne passais pas leur rendre visite de temps à autres. Killian est super sympa, même que le père de Benjamin c'est son parrain, ça m'a fait trop bizarre de l'apprendre ! Bah ouais avant de faire la connaissance de Benji, pour moi les Taulard bah c'était un peu ceux qu'on nous recommandait d'éviter dans la ville, comme quoi si l'on s'en rapprochait trop on risquait de subir les représailles des Plènozas. Même si au final, Lucas, qu'est mon beau-frère du coup - ouais ça m'fait bizarre à moi aussi - , il lui est rien arrivé de moche, comme quoi les blondinazes ils peuvent pas tout faire comme ils le voudraient, s'ils perdent toute crédibilité aux yeux de la ville, leur pouvoir politique risque d'en prendre un coup.

    Tomber de haut.

    En fait la première fois que j'ai rencontré Benjamin, j'avais pas vraiment plus l'intention que ça d'être son copain, j'y croyais pas tellement vu que je suis le genre de gars tout seul parce que sa vie est tellement compliquée que ça porterait malheur à celle des autres apparemment. Enfin, moi c'que j'veux c'est faire tellement de bêtises qu'au final ma mère serait forcée de m'adresser ma parole, même pour me crier dessus, de reconnaître que j'existe, que je suis bien sa chaire et son sang, qu'elle m'a fait et qu'elle ne peut plus revenir en arrière. Parfois ce sont les grosses disputes qui permettent de prendre un nouveau départ. Pour en revenir à Benjamin, vu que c'était un Taulard, j'me suis dit qu'en enquiquinant le Plènozas en sa présence, ça aurait plus d'impact, et que toutes mes "farces" seraient tout de suite plus sujettes à remontrances. C'est toujours Nina qui me gronde quand l'école appelle chez nous, moi je voudrais que ma mère soit convoquée chez le directeur avec moi, pour voir ce qu'elle en dirait.

    Tomber de haut.

    Sauf que Benjamin, c'est pas juste le gars qui va m'aider à atteindre mon objectif au final, lui il me regarde pas comme les autres, je suis son ami et seulement ça, pas un type à éviter, pas un fauteur de trouble ou une erreur de la nature, juste son ami. Alors ça ne me dérange pas qu'il ne veuille plus me suivre dans mes bêtises, même s'il vit un peu dans son monde de bisounours, ça m'est bien égal tant qu'il ne me rejette pas.

    Pourtant quand il m'a invité chez lui... j'étais content hein, même s'il n'a pas le confort que je peux avoir chez moi, il n'y a pas d'impression de vide chez lui, et ses parents sont cool, ils se sont même préoccupés de ce que moi j'étais. Et ils s'aiment, et ils aiment leurs enfant et.. et... C'est trop bête. Benjamin c'est mon ami mais... je suis jaloux. Je suis jaloux de tout ce qu'il a et que je n'aurais jamais. C'est pareil pour Killian, il a une famille qui sera toujours là pour lui, Diana et Tao ont au moins leur mère et... moi j'ai rien. Évidemment que Nina me laisse pas tomber comme une vieille chaussette, elle me fait à manger, et elle m'achète des vêtements, mais c'est pas pareil, c'est ma sœur, et elle a des enfants, et c'est aussi elle quelque part qui fait souffrir ma mère.

    Tomber de haut.

    Je ne sais plus trop où j'en suis, tout ce que je peux faire, aussi graves mes bêtises peuvent-elles être, n'a jamais abouti. Pourquoi mon monde à moi il ne ressemble pas à leur monde à eux ?

    - Vincent -

    C'était bientôt à Gwen de fêter son anniversaire et cela se ressentait, elle faisait bonne mine devant les enfants mais aucun doute qu'elle se sentait nerveuse à l'idée de passer le cap des quarante ans, chose que je pouvais comprendre puisque j'y étais passé il n'y a pas si longtemps que ça. Sa façon d'oublier sa nervosité était de se planquer à la bibliothèque pour dévorer des livres ou se perdre sur un site exposant la "crise de la quarantaine".

    Tomber de haut.

    Même si elle s'efforçait de le cacher, elle était également devenue morose, et plus sur les nerfs. C'était un état dans lequel je ne l'avais jamais vraiment vu, disons que d'ordinaire je m'en fais pour deux alors bon...

    Je me suis dit qu'un petit moment rien que tous les deux ne nous ferait pas de mal, entre la vie de famille et le travail c'était devenu chose rare. Alors j'ai demandé à un ami de s'occuper des enfants - Benjamin avait beau être bientôt ado j'étais sûr de retrouver Clémentine au fond d'un marais si je les laissais seuls une soirée. Pour une fois ce n'était pas Lucas que j'étais allé déranger, à vrai dire j'avais plutôt envisagé d'engager une baby-sitter, mais notre voisin, monsieur Mercier, s'est proposé pour les garder. Cela faisait longtemps que j'avais appris à un peu mieux connaître ce vieux conteur d'histoires chez qui Mélissa adorait passer ses après midi, et je savais que je pouvais lui faire confiance.

    Gwen et moi avions donc la soirée pour nous tous seuls, nous ne sommes pas allés en boîte, on n'avait plus vraiment l'âge quand même, et je n'ai pas choisi un restaurant, j'avais vraiment envie que nous soyons tranquilles, seulement nous deux, alors pas de serveurs et pas d'autres clients. Et avec toutes mes explorations pour dénicher des perles rares en collections, il y avait quelques endroits que j'avais vraiment envie de lui faire découvrir, dont un en particulier.

    Tomber de haut.

    Ce devait être une des rares fois où Gwen ne trouvait pas ses mots, figée là, la langue liée, j'en venais même à douter de la pertinence de mon idée en la voyant rester immobile, tout juste éclairée par les lucioles voletant dans cette grotte toute droit sortie d'un conte de fée. Je m'approchai d'elle et elle murmura dans un souffle :

    - Vincent... c'est magnifique...

    J'esquissai un sourire tendre en la voyant partir à droite à gauche, observer un cristal aux facettes multicolores, s'extasier devant un insecte frôlant l'eau tel un feu follet ou devant une fleur colorée. Elle était comme une enfant qui découvrait de nouvelles choses, et même dans le silence son sourire suffisait à exprimer son émerveillement. Et ce n'était pas ces quarante ans approchant qui allaient lui voler cette fraîcheur et cette spontanéité que je lui connaissais, j'en étais certain. Je ne sais pas bien combien de temps nous avons passé ici, rien que tous les deux, mais ce précieux moment resterait gravé dans ma mémoire, tel un instant suspendu dans le temps.

    Tomber de haut.

    Les jours suivant c'était comme si ses craintes s'étaient envolées, j'avais retrouvé ma Gwen, celle qui monopolisait les conversations à elle seule, celle qui faisait preuve d'une passion contaminante dans les sujets qui lui tenaient à coeur, celle dont le sourire suffisait amplement à égayer mes journées...

    Son anniversaire ? Elle le vécut à fond comme elle le faisait pour chacune de ses journées, elle avait délaissé les psychologies sur le vieillissement pour replonger dans ses livres à l'eau de rose dont le nombre de pages me donnait mal à la tête mais qui lui plaisaient tant à elle. Je me suis donc attelé au gâteau, on a invité quelques amis et Gwen a soufflé les bougies.

    Tomber de haut.

    Tomber de haut.

    "Pousse-toi papa les confettis vont pas atterrir sur maman sinon !"

    "Hé c'est trop cool ton machin moi aussi j'veux esssayer !"

    "Ah non hein ! Moi d'abord !"

    Tomber de haut.

    Tomber de haut.

    "Nan mais c'est trop la classe ça ! Je veux devenir adulte !"

    "On dirait un ange qui s'envole !"

    "... si tu veux Mélissa."

    Tomber de haut.

    Tomber de haut.

    Évidemment sitôt les invités partis et les enfants au lit, je ne l'ai pas laissée se demander si elle avait pris des rides, pour moi elle était et serait toujours parfaite.

    Tomber de haut.

    - Clémentine -

    Ça craint si à chaque anniversaire je dois voir papa et maman s'explorer le gosier ! Beurk ! En plus j'ai dû passer toute une soirée enchaînée chez un vioque dont Mélissa voulait absolument entendre les histoires alors que j'aurais pu être dehors à grimper aux arbres et aux rochers du parc pour m'entraîner pour le jour où je serais la première Simette à escalader l'Himalama ! Quelle perte de temps j'vous jure...

    Enfin, pendant que le vieux délirait sur des histoires de lapins peignant des oeufs de Pâques - même Benjamin ça l'intéressait j'pige pas ! Quoique il croit encore aux garçons dans les choux celui-là faudrait peut-être que je lui explique l'histoire des lego un jour - , bref pendant qu'il blablatait, je pensais à la B.A.P. Ce qui était cool avec notre bande, c'était que chaque jour d'école qui aurait dû être atrocement barbant devenait une aventure. Après tout, c'était quand même nous qui empêchions Dark Christian de tyranniser les autres élèves ! Pour le coup, j'étais pas peu fière de moi, il était presque devenu exemplaire le blondinet ! Bon il nous fusillait toujours du regard, mais jamais il n'aurait osé une pique mesquine envers un plus jeune maintenant, ça lui plaisait pas d'être surveillé h24 mais il pouvait rien contre nous parce qu'on gérait trop.

    C'était du moins ce que je croyais, jusqu'à ce que la maîtresse ne vienne me voir une fois à la récréation, alors qu'on était en pleine opération, mais pour le coup j'ai vite oublié de surveiller Christian, parce qu'elle avait l'air en pétards et que le blond platine qui l'accompagnait avait un petit sourire malveillant qui ne m'inspirait pas confiance...

    Doute.

     Je crois que je n'oublierais jamais ce sourire...

     

     

    ~~~

    Oui je rajoute (encore) un nouveau protagoniste dans cette histoire ^^ A vrai dire je ne savais pas du tout quoi faire de lui avant maintenant x)

     

     

     

     

     

     


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