• Marché conclu ?

    - Clémentine -

     

    Avant qu'il ne soit le premier à attaquer, j'ai lâché avec un sourire confiant :

    - Ben alors, Plènozas, ton p'tit manège de fonctionne plus ? Je doute que l'école t'écoute aussi facilement qu'avant...

    Je savais que c'était bien arrogant de ma part de me moquer ainsi, mais Dieu que ça faisait du bien ! Il quitta son ton suffisant habituel pour un autre plus menaçant :

    - Tu ne retiens décidément pas la leçon, je t'avais bien dit de cesser ta justice ridicule vis à vis de Christian...

    - Et alors ? intervint Stellie. Quand nous on a arrêté toi tu n'as pas cessé de la faire accuser à tord, tu ne l'aurais pas fait ça ne se serait pas terminé ainsi !

    - Tss, parce que tu penses que c'est terminé ? Je vous avais laissé tranquilles, mais puisque vous me gênez je vais faire votre vie à tous un enfer.

    - Nous sommes six et tu es tout seul, j'ai pu voir que tu n'avais le soutien d'aucun de tes frères, tu ne pourras pas tous nous faire passer pour ce qu'on n'est pas. Je ne parle à personne, qui voudrais-tu que je harcèle ?

    Bien qu'il ait semblé frustré à la mention de ses frères, il esquissa un rictus arrogant qui me fit froncer les sourcils.

    - Ça se voit que tu ne connais rien aux pouvoirs des rumeurs, je n'aurais rien à faire, juste à suggérer, et les pires ragots se colporteront dans votre dos, jusqu'à ce que ça en devienne invivable.

    - Je n'ai, pour ma part, répliqua Mélissa, pas besoin de suggérer pour que ton frère soit considérer comme un tyran par toute l'école, tout le monde le sait déjà, il suffit uniquement de quelqu'un pour s'opposer à lui pour que les autres se remettent en question et suivent le mouvement. Tu le sais sinon tu ne serais pas ici à nous menacer.

    Il se renfrogna et ce fut Sarah, si peu bavarde d'ordinaire, qui renchérit pour l'empêcher de réfléchir à une nouvelle menace à proférer :

    - En plus pas mal d'élèves passent au lycée la même année que Christian, ce n'est pas un changement d'école qui lui permettra de redevenir blanc comme neige.

    Je conclus sans lui laisser le temps de répliquer :

    - Tu vois, tu ne peux pas nous menacer. Tu arrêtes de mentir à mon sujet et on laissera le cas de Christian aux adultes, il n'est pas assez malin pour berner la maîtresse, mais elle sera toujours plus discrète que nous. Marché conclu ?

    Je lui tendis la main et sentis bien son regard mauvais posé sur moi, sans pour autant me démonter. Il finit par la serrer à contrecœur.

    Il tourna les talons avant de lancer d'une voix vibrante :

    - Ne crois pas que tout soit fini, tu ré-entendras parler de moi.

    Je rétorquai :

    - Moi j'aurais toujours mes amis pour m'aider, toi tu n'as pas d'alliés, c'est là toute la différence.

    - Tu as raison...

    Alors qu'il claquait la porte derrière lui, je n'étais soudain pas très sûre d'avoir été maline en soulignant ce point, c'était comme si je lui avais donné une idée. Les autres ne semblaient pas avoir remarqué, ce devait être mon imagination, et je les rejoignis dans nos cris de victoire. Enfin j'allais pouvoir retrouver un train de vie normal, sans son venin pour alimenter les rumeurs, j'étais certaine que tout ne tarderait pas à redevenir comme avant.

    - Mélissa -

    Maintenant que Clem' pouvait enfin aller à l'école en paix, je n'avais plus besoin de réfléchir à un moyen de la sortir de son pétrin, j'ai donc délaissé mes livres et ma table à dessin pour retourner voir mon plus vieil ami, dans tous les sens du terme. Je l'avais un peu délaissé dans tout ça, et j'avais hâte de savoir s'il avait de nouvelles histoires à me raconter. C'est intéressant les livres, mais rien ne vaut une histoire choisie avec soin et bien racontée de vive voix. Je suis donc partie frapper à la porte de notre voisin.

    En général, je frappe puis j'entre directement, pour lui éviter de se déplacer, si c'est ouvert c'est qu'il est à l'intérieur, cette fois ne fit pas exception. Alors que je m'attendais à retrouver monsieur Mercier installé dans son fauteuil en train de lire un livre ou prendre une posture de penseur lorsqu'il préparait une nouvelle histoire, je fus plutôt surprise de constater que ce n'était pas un grand père sur le canapé, mais un adolescent, l'air blasé.

    Je m'étais pas trompée d'habitation, impossible, et je doute fortement qu'il ait rajeuni en à peine une semaine. Ne le trouvant pas en balayant la pièce du regard, je tentais timidement :

    - Euh... bonjour.

    Je me suis un peu approchée et il a haussé un sourcil en me dévisageant.

    - T'es qui toi ?

    Au temps pour les politesses...

    - Je m'appelle Mélissa, je viens voir monsieur Mercier, euh... c'est un ami.

    - Hun-hun, ben il est pas là tu peux t'en aller.

    Pff... il commençait à me chauffer celui-là à me parler comme à une indésirable. Je contins un soupir d'agacement et lâchai simplement :

    - Ce n'est pas grave je vais l'attendre.

    Je m'installai à une petite table et décidai de faire mes devoirs, je ne les avais pas commencé, ayant tout le week-end devant moi, mais ce serait toujours ça de fait.

    L'autre adolescent m'ignora royalement, plus intéressé par son feuilleton télé visiblement. Eh ben, ça me rappelait que Benjamin fêtait son anniversaire ce week-end, j'espère qu'il deviendra pas comme lui ! Je sais qu'il faut se garder des jugements hâtifs, mais je ne l'apprécie pas trop...

    François passa le seuil de la porte moins d'une demi-heure après, il ne me vit pas tout de suite, et soupira en apercevant le jeune homme avachit sur le canapé.

    - Théodore tu as fait tes devoirs ?

    Il répliqua d'un ton mauvais, lâchant à peine son écran du regard :

    - Lâche-moi la grappe avec ça l'ancêtre, c'est le week-end j'ai l'temps.

    Le vieil homme marmonna quelque chose dans sa barbe avant de soudain remarquer que je l'observai depuis ma chaise.

    - Ah Mélissa, excuse-moi je ne t'avais pas vue, tu veux boire quelque chose peut-être ?

    - Non merci, est-ce que tu as une nouvelle histoire pour moi ?

    Son visage s'illumina, les yeux pétillants de malice. Il s'installa en face de moi en commençant :

    - Oui, j'ai l'histoire d'une petite fille qui tombe dans un terrier magique en suivant un lapin en retard...

    Alors que j'étais impatiente de l'entendre démarrer son récit, j'entendis l'autre, euh... Théodore, marmonner quelque chose d'un ton irrité, éteindre la télévision, et se lever en lançant :

    - J'vais courir.

    Il sortit dans un claquement de porte qui me fit froncer les sourcils. Mon conteur préféré soupira avant de se lancer de nouveau dans son récit. Il était assez long, c'était un monde riche en bizarrerie dans lequel était atterrie l'héroïne. Alors que l'heure tournait, je dus téléphoner à mes parents pour les prévenir que je restais dîner - avec l'autorisation de François bien sûr - et que je rentrerais plus tard, finalement mon père me dit qu'il viendrait me chercher au plus tard vers vingt heures, j'avais deux bonnes heures devant moi. François tenta lui aussi de joindre quelqu'un sur son portable, mais ce ne fut visiblement pas un franc succès, ce qui lui arracha un énième soupir. J'étais un peu triste de le voir comme ça, il avait l'air plus fatigué et plus inquiet que d'habitude.

    Alors que nous étions en plein dans un chapitre où une femme voulait découper les têtes de tout le monde, la porte d'entrée claqua une seconde fois, revoilà l'autre qui rentrait à une heure bien tardive, ce sur quoi François le réprimanda avec exaspération :

    - Non mais tu as vu l'heure ?

    - Fous-moi la paix, j'ai croisé des potes et on a discuté, j'ai pas vu le temps passer c'est tout, j'me fais tellement ch*er ici.

    Il partit en direction de la salle de bain, dont on entendit l'eau de la douche couler quelques minutes plus tard, François se tourna vers moi, il n'avait plus l'air très enthousiaste à continuer son récit. Il se leva de sa chaise et me dit :

    - Je vais préparer le repas, fais comme chez toi en attendant.

    Je hochai la tête et partis m'installer devant la télévision, il y avait une émission que j'aimais bien qui passait à cette heure-là, "C'est pas magicien", contrairement aux autres feuilletons que je trouvais débiles comme P'tit Oeuf, ça j'aimais bien.

    C'était sans compter sur "l'autre" qui débarqua un peu plus tard pour lâcher avec toujours autant d'amabilité :

    - Pousse-toi c'est ma place.

    Je m'exécutai en silence, sinon je lui aurais sans doute fait remarquer qu'il avait juste à faire le tour du canapé pour s'asseoir, mais bon j'étais pas chez moi ici. Il changea de chaîne comme je pouvais m'y attendre, alors je partis plutôt voir si François voulait de l'aide en cuisine. Il avait presque fini, on se mit donc à table rapidement, enfin sauf Théodore qui ne prit même pas la peine de s'asseoir avec François et se planta de nouveau devant sa télé.

    Le vieil homme lâcha avec agacement :

    - Théodore, ça te dérangerait de nous faire le plaisir de ta présence à table ?

    - Vous avez l'air de très bien vous amuser tous les deux, répliqua-t-il d'un ton acerbe, puis j't'ai d'jà dit de m'appeler Théo, Théodore ça craint trop comme prénom.

    François soupira et fixa de nouveau son assiette, marmonnant d'un air blessé "c'est pourtant moi qui l'ai choisi...". Je jetais un regard mauvais en direction de l'adolescent totalement désintéressé du reste du monde. En tout cas moi j'l'aime pas, j'espère que je vais pas avoir à le recroiser à l'avenir...

    François dut surprendre mon regard puisqu'il soupira avec un léger haussement d'épaules résigné.

    - Désolé si cette après-midi ne t'a pas été très agréable Mélissa, je... il n'a pas eu la vie facile dernièrement.

    Je ne voyais pas pourquoi il s'excusait à sa place, ce n'était pas lui le responsable que je sache. Et puis, tout le monde a ses problèmes, ce n’est pas une raison pour être désagréable avec les autres...


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